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DUNKERQUE

un film de Christopher Nolan.

Parmi les nouvelles glanées ces jours-ci sur le net, il en est une nous montrant un vétéran de la bataille de Dunkerque, aujourd’hui âgé de 97 ans, les yeux baignés de larmes après avoir vu le film de Christopher Nolan. C’est la preuve, s’il en est besoin, de la crédibilité de ce que ce dernier a choisi de montrer sur nos écrans. Sa reconstitution de cette bataille, à la fois déroute totale des forces anglaises et françaises contraintes de se replier sur la plage de Dunkerque et entreprise de sauvetage des soldats piégés, laisse pantois. C’est le cas de le dire, le réalisateur a clairement pour ambition de mettre les spectateurs en immersion dans une réalité à la fois terrible parce qu’elle a le caractère d’une défaite et parce qu’elle est sanglante (et parfois mortelle) et pleine d’espoir parce qu’elle incite certains protagonistes à la vaillance et au dépassement de soi pour le salut d’autrui. Dans une telle aventure se révèlent les petitesses et les grandeurs, les peurs et les lâchetés qui conduisent des soldats anglais à repousser des soldats français par exemple, mais aussi les héroïsmes et les intrépidités qui gouvernent ceux qui, au péril de leur propre vie, s’engagent pour ramener en Angleterre les hommes pris au piège.

Cela étant dit, même quand un cinéaste a cette prétention de mettre en immersion les spectateurs, il ne peut pour autant tout englober dans son film, il est contraint de faire des choix et d’adopter des points de vue et, donc, d’être partial. Christopher Nolan ne s’en cache d’ailleurs pas, il l’annonce clairement, il veut nous montrer la réalité des combats, de la débâcle et du sauvetage des soldats selon trois angles différents et trois unités de temps : une semaine en compagnie des soldats anglais sur la plage de Dunkerque, sur la jetée d’embarquement et sur les embarcations de secours, un jour en compagnie de volontaires portant assistance à ces derniers au moyen de bateaux et une heure en compagnie des aviateurs anglais affrontant dans les airs leurs homologues allemands.

Le film passe donc constamment d’un point de vue à un autre, chacun d’eux révélant la tension extrême éprouvée par les différents intervenants engagés dans cette aventure. Le danger est tel qu’il s’agit, pour beaucoup d’entre eux, de trouver des moyens de survivre plus encore que de combattre : on peut presque affirmer qu’on a affaire à un film de survie davantage qu’à un film de guerre ! Ce qui est sûr, en tout cas, c’est que le réalisateur a fait le choix de privilégier les scènes d’action, ne laissant aucun répit aux spectateurs et réduisant les dialogues au strict minimum.

Ces options radicales de mise en scène donnent au film ses qualités indéniables, son rythme haletant et sa tension permanente, mais aussi ses limites. La plus flagrante d’entre elles a déjà été abondamment soulignée par un certain nombre de commentateurs du film, mais je ne peux que la reprendre à mon compte. Elle concerne les personnages évoluant dans le film, des personnages qui, hormis peut-être ceux qui se portent au secours des soldats sur un bateau, ne sont, pour ainsi dire, jamais caractérisés. Ils sont, en quelque sorte, interchangeables avec tous les autres soldats apparaissant à l’écran. C’est un peu comme si le réalisateur en avait choisi quelques-uns au hasard sans jamais chercher à les distinguer vraiment de la masse des autres. En tant que spectateurs, on aimerait en savoir davantage sur chacun d’eux, mais non, le cinéaste a préféré ne leur accorder que si peu de dialogues qu’on en reste frustré.

Cette réserve étant écrite, on est quand même en droit de saluer la maîtrise stupéfiante avec laquelle ce film a été réalisé. Il y a largement de quoi être ébahi et je le dis avec d’autant plus de conviction que je n’avais, jusqu’à présent, apprécié aucun des films de Christopher Nolan !

NOTE:  8/10

Luc Schweitzer, ss.cc.