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LA JEUNE FILLE ET SON AIGLE

un film de Otto Bell.

Dans les montagnes de l’Altaï, en Mongolie, se transmet la tradition séculaire de la chasse à l’aigle. De génération en génération, les pères apprennent à leur fils à capturer un aiglon encore au nid pour le dresser afin d’en faire un chasseur. C’est un art qui, comme je viens de l’indiquer, est strictement réservé aux hommes, les femmes étant occupées aux travaux du ménage et à la confection des repas.

Or voici qu’une adolescente de 13 ans du nom d’Aisholpan vient bousculer cet ancestral ordonnancement ! Elle aussi veut apprendre à chasser à l’aigle ! Et comme elle a la chance d’avoir pour père un homme compréhensif et ouvert d’esprit, elle ose, encouragée par lui, braver les interdits de sa communauté. Elle a l’audace des femmes qui s’émancipent. Guidée par un père qui fait également office de mentor, elle capture, elle aussi, au risque de s’y rompre le coup, un aiglon dans son aire, elle le dresse et se prépare à concourir à un festival.

Mais, si Aisholpan a la chance d’avoir un père qui la soutient et qui l’encourage, il n’en est pas de même du côté des anciens de la communauté. La bienveillance n’est pas leur fort. Pour eux, la chasse à l’aigle est, depuis toujours, une affaire d’hommes et ils ne voient pas d’un bon œil l’irruption d’une adolescente venant bouleverser la tradition.

On aime dire et répéter comme un lieu commun qu’il faut toujours se mettre à l’écoute des anciens, que ce sont eux qui détiennent la sagesse et que leur point de vue, par conséquent, est déterminant. Ce film prouve, s’il est besoin, que cela ne se vérifie pas à chaque fois : la prétendue sagesse des aînés équivaut, dans bien des cas, à l’immobilisme ou au conservatisme et l’on serait bien inspiré, dans beaucoup de circonstances, de se laisser chahuter par l’audace des jeunes gens plutôt que de ronronner avec les têtes chenues. En rédigeant ces lignes, il me vient à l’esprit le superbe film d’Eugène Green, « La Sapienza » (2014), qui, se déroulant dans un cadre très différent de celui de « La jeune fille et son aigle », tient néanmoins un propos similaire. On a autant, sinon plus, d’intérêt à écouter les jeunes gens que les anciens !

Quoi qu’il en soit, ce splendide documentaire non seulement nous fait découvrir des contrées belles et rudes peu montrées au cinéma mais nous propose un inoubliable portrait de jeune fille. On a donc affaire en outre, on peut le dire, à un film féministe au meilleur sens du terme : les hommes et leurs préjugés ne font pas le poids face à la détermination d’une telle adolescente et c’est tant mieux !

NOTE:  8/10

Luc Schweitzer, ss.cc.