aucun commentaire pour l'instant

LES GRANDS ESPRITS

un film de Olivier Ayache-Vidal

 

Mais pourquoi nomme-t-on systématiquement les professeurs débutants dans les établissements scolaires réputés les plus difficiles ? Ne vaudrait-il pas mieux y envoyer des enseignants expérimentés ? Qui ne s’est jamais posé ces questions ? Dans le film de Olivier Ayache-Vidal, c’est François Foucault (Denis Podalydès), un professeur qui enseigne dans un collège des plus cotés (Henri IV), qui les exprime à voix haute, sans se douter qu’il parle en présence d’une employée du Ministère de l’Éducation Nationale. Pris au mot, le voilà qui, tout dépité, se retrouve muté au collège Barbara de Stains dans la Seine-Saint-Denis. Le changement est brutal, on s’en doute, et il va falloir bien de l’ingéniosité à François Foucault, tout qualifié et aguerri qu’il soit, pour mettre au travail des élèves pour le moins indisciplinés.

Difficile d’éviter tous les clichés quand on fait un film sur ce sujet, un sujet que le cinéma a déjà exploré maintes fois. Olivier Ayache-Vidal n’a bien sûr pas réussi à échapper à tous les lieux communs, mais peu importe. Son film n’en est pas moins remarquable pour de multiples raisons. D’abord parce qu’il a fait un choix d’acteur des plus judicieux : dans ce rôle de professeur qui lui va comme un gant, Denis Podalydès fait une prestation éblouissante. Il crève l’écran pendant toute la durée du film et l’on se délecte de chacune de ses interventions, d’autant plus qu’il n’y a que très peu de scènes exemptes de sa présence. Ensuite, parce que le réalisateur a su choisir et diriger à la perfection les jeunes acteurs qu’il a dénichés sur les lieux mêmes, au collège de Stains où il a pris le temps de s’immerger pendant plusieurs mois avant d’entreprendre le tournage du film. De ce fait, celui-ci prend une coloration semi-documentaire qui en accroît la pertinence. Tous les élèves intervenant au cours du film sont criants de vérité, avec une mention particulière pour Abdoulaye Diallo dans le rôle de Seydou.

Enfin, même si « Les Grands Esprits » n’est pas une œuvre très innovante sur le plan de son scénario, elle offre quand même, si l’on y est attentif, des plages de subtilité. Derrière ses apparences de film quelque peu convenu sur un professeur qui, après un temps de doute, voire de découragement, trouve des moyens et une pédagogie renouvelés capables de séduire des élèves récalcitrants, entre autres en leur faisant goûter « Les Misérables » de Victor Hugo, derrière cela se révèlent des instants de finesse qui en font toute la beauté. Ainsi, quand François Foucault comprend qu’il lui est nécessaire de se mettre, en quelque sorte, à hauteur des adolescents à qui il est chargé d’enseigner le Français. Sans aucunement se rabaisser, en gardant sa stature de professeur, il parvient à trouver des moyens de se faire comprendre de ceux à qui il s’adresse, et bien sûr la relation professeur/élèves en est progressivement transformée. Et puis, à la fin du film, une séquence très réussie met en lumière la générosité et la mansuétude de ce professeur qui, s’il est un fonctionnaire, n’en fait pas moins preuve des qualités humaines les plus louables. S’opposant au directeur de l’établissement et à certains enseignants qui, au sujet d’un élève passant en conseil de discipline, n’ont que les termes de « procédure » et de « loi » à la bouche, il est celui qui remet de l’humanité là où il risque de ne plus y en avoir, quitte à prendre à leur propre piège ceux qui ne jurent que par l’autorité. Une leçon dont nous ferions bien tous de nous inspirer et qui clôt en beauté ce film à la fois plaisant et intelligent.

NOTE:  8/10

Luc Schweitzer, ss.cc.