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LES HOMMES DU FEU

un film de Pierre Jolivet.

Tourné dans une véritable caserne de pompiers, à Bram, près de Carcassonne (Aude), ce film de Pierre Jolivet paraît si réaliste qu’on se demande, en le voyant, s’il ne s’agit pas d’un documentaire. Les visages bien connus de Roschdy Zem et d’Emilie Dequenne nous rappellent, certes, qu’on a affaire à des acteurs, mais ils sont si convaincants, si justes, si investis dans leurs rôles respectifs, qu’ils nous le font quasiment oublier. Le premier joue le rôle de Philippe, celui qui dirige la brigade des sapeurs-pompiers, la deuxième incarne Bénédicte, une adjudante-chef qui, ayant dû déménager, y a demandé son intégration.

Seule femme dans ce milieu non seulement masculin mais volontiers viril au point d’être machiste, elle cherche aussitôt à montrer qu’elle est dotée d’autant de capacités que ses confrères. Elle prend sa place, et même plus que nécessaire, et se trouve bientôt en première ligne lors d’une intervention sur un accident de la route. Or c’est précisément au cours de cette action, effectuée de nuit sous une pluie battante, qu’elle commet une faute, la première de sa carrière. Elle n’a pas vu un des blessés qui avait été éjecté du véhicule accidenté. L’homme a été retrouvé plus tard par la police et se trouve à l’hôpital, plongé dans le coma. Une des conséquences, c’est qu’il risque d’y avoir une enquête dont les résultats pourraient entraîner la fermeture d’une brigade déjà menacée du fait d’une politique de regroupement des effectifs.

Il ne s’agit que d’un des évènements auxquels nous confronte le film, mais il révèle à lui seul les caractères et les préjugés des uns et des autres. Le cinéaste a pris soin de ne pas mettre en scène des héros, mais des hommes comme les autres, aussi fragiles que tout un chacun. La plupart d’entre eux sont ébranlés par une vie de famille difficile ou une vie de couple compliquée. Et quand il s’agit de préserver ses intérêts, il en est qui sont capables de bassesses.

Pourtant ce sont ces hommes ordinaires, si l’on peut dire, qui sont appelés à se surpasser dès que l’alarme retentit : il faut désincarcérer un accidenté de la route, entrer dans un appartement où se trouve une femme pendue, éteindre un feu dans un quartier en révolte où l’on se fait caillasser, combattre un feu de broussaille d’origine criminelle, et même accoucher une femme sur la route avant d’arriver à l’hôpital.

En symbiose parfaite avec les combats de ces hommes et de cette femme confrontés au pire, le film captive irrésistiblement. Il met l’accent sur deux évènements, celui que j’ai relaté plus haut, l’autre étant la recherche menée par Philippe pour retrouver l’auteur d’un feu criminel, ce qui donne lieu à une des scènes les plus fortes et les plus tendues de l’oeuvre, plus intense, plus expressive et plus efficace que tous les discours moralisateurs du monde. Les « hommes du feu » ne sont rien de plus que des humains, en effet, au sens négatif du mot (les fragilités, les indignités) comme en son sens positif (la grandeur d’âme, l’engagement, la générosité). A la suite de Bertrand Tavernier, qui avait dépeint de façon exemplaire le quotidien de la brigade des stupéfiants de Paris dans « L 627 » (1992), Pierre Jolivet réussit magistralement son immersion dans celui d’une brigade de pompiers de l’Aude.

NOTE:  8/10

Luc Schweitzer, ss.cc.