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L’OPÉRA

un film de Jean-Stéphane Bron.

Ce n’est pas parce que nous sommes encore en carême qu’il faut s’infliger la pénitence d’aller voir « A bras ouverts », le dernier navet en date de Philippe de Chauveron qui, fort du succès de « Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu » (autre navet farci de clichés grotesques), se croit autorisé à en prolonger la recette avec un film stupide et nauséabond sur la communauté des Roms ! Combien il est préférable, croyez-moi, de faire, en compagnie de la caméra de Jean-Stéphane Bron, la visite de cette institution prestigieuse qu’est l’Opéra de Paris, avec ses deux lieux que sont Garnier et Bastille ! Ceux qui, comme moi-même, sont des passionnés d’art lyrique, seront sans aucun doute séduits. Mais même ceux qui ne sont amateurs ni de Wagner ni de Verdi pourront y trouver de l’intérêt et, peut-être précisément, laisser surgir et grandir en eux une passion nouvelle et imprévisible pour un art ô combien attrayant !

Le documentaire réalisé par Jean-Stéphane Bron, qui s’est immergé pendant toute une saison dans cet univers qu’est l’Opéra de Paris, nous en révèle tous les aspects, avec plus ou moins d’insistance, mais sans rien ignorer de ce qui le fait vivre, depuis les hautes sphères dirigeantes jusqu’au personnel de l’ombre, jusqu’à celles et ceux dont le travail ne se remarque pas forcément mais qui n’en méritent pas moins de la gratitude. Cela dit, bien sûr, le réalisateur s’attarde beaucoup sur ceux qui détiennent les pouvoirs de décisions les plus importants : le directeur de l’Opéra de Paris Stéphane Lissner, le directeur musical Philippe Jordan ou le directeur de la danse Benjamin Millepied. Il est d’ailleurs passionnant de les voir et de les entendre discuter et débattre avec leurs collaborateurs et partenaires, surtout quand adviennent des difficultés, voire des crises, et qu’il faut prendre des décisions cruciales. Que faire quand survient une grève qui risque de paralyser toute l’institution ? Comment pallier la défection d’un chanteur, deux jours avant une représentation ? Diriger l’Opéra de Paris n’a certes rien d’une sinécure…

Mais ce qui rend ce film encore plus attrayant, c’est qu’il nous donne à voir quelques moments forts, choisis parmi beaucoup d’autres probablement, des préparatifs de plusieurs spectacles lyriques et de danse. Que d’efforts, que de recherches, que de trouvailles ! Pour la représentation de « Moïse et Aaron » d’Arnold Schönberg, ce n’est rien moins qu’un véritable et imposant taureau qui a dû être sélectionné et préparé pour figurer sur scène ! D’autres moments forts nous montrent les répétitions de « La Damnation de Faust » d’Hector Berlioz, puis des « Maîtres Chanteurs de Nuremberg » de Richard Wagner. On découvre ainsi, lors d’une représentation, qu’une chanteuse d’opéra ne peut se passer de son assistante toujours prête à lui tendre mouchoirs et bouteille d’eau dès qu’elle quitte la scène. Et que dire des spectacles de danse dont on découvre, ébahi, quelques instants volés ? Ainsi d’une danseuse qui, après avoir accompli sa prestation sur scène, s’écroule littéralement de fatigue et d’essoufflement dans les coulisses !

Hormis Stéphane Lissner, le directeur de l’Opéra de Paris, qui apparaît dans un grand nombre de scènes, celui qu’on voit le plus à l’écran, m’a-t-il semblé, est un jeune chanteur venu de Russie (du sud de l’Oural, précise-t-il) pour proposer sa candidature dans la capitale française après être passé par l’Allemagne. Impossible de ne pas être touché par ce jeune homme, par ses rêves, son ébahissement lorsqu’il apprend qu’il est admis à l’Opéra de Paris, mais aussi ses doutes quand il a le sentiment de n’avoir pas donné sa pleine mesure.

On ne peut qu’être ému, enfin, par une classe d’enfants qu’on voit, à plusieurs reprises, apprenant à jouer du violon ou du violoncelle et qu’une scène de la fin du film montre se produisant sur scène devant un public composé essentiellement de leurs parents.

Superbe film qui mériterait d’être plus long pour nous faire découvrir encore d’autres actrices et acteurs intervenant, d’une manière ou d’une autre, dans la réalisation des opéras ou des spectacles de danse. On ne s’en lasse pas. 

NOTE:  8,5/10

Luc Schweitzer,  ss.cc.