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LE RETOUR DU HÉROS

Un film de Laurent Tirard.

 

Le point de départ du film pourrait être formulé à la manière d’une question très classique de morale telle qu’on en propose à l’examen de philosophie du baccalauréat, quelque chose comme « est-il permis de mentir pour sauver la vie d’autrui ? ». La comparaison s’arrête là car, bien sûr, suggérer des réponses à cette question dans un film, et qui plus est dans une comédie, se révèle mille fois plus agréable que la lecture de n’importe quelle copie, y compris celle de l’élève le plus doué en matière de raisonnements philosophiques. On ne sera pas étonné, d’ailleurs, de découvrir que l’énoncé du mensonge initial, dans le film, même formulé avec les meilleures intentions du monde, entraîne quasi automatiquement la survenue d’un deuxième mensonge, puis d’un troisième, et ainsi de suite dans un enchaînement d’affabulations sans fin. Autrement dit, proférer un mensonge, même pour le bien d’autrui, peut avoir des conséquences redoutables que, bien sûr, on n’avait pas prévues.

Pourtant, lorsque Elisabeth (Mélanie Laurent) ose son premier mensonge pour le salut de sa sœur Pauline (Noémie Merlant), elle semble avoir conscience de s’aventurer dans quelque chose d’insensé qu’elle ne saura pas maîtriser. La suite du film ne lui donne que trop raison. Pauline étant tellement affligée de n’avoir aucune nouvelle de son fiancé le capitaine Neuville (Jean Dujardin), censé être parti combattre dans les armées de Napoléon, Elisabeth a cru bon de rédiger une lettre signée du nom du disparu. Le résultat ne se fait pas attendre : Pauline reprend goût à la vie. Certes, mais que peut faire Elisabeth, sinon d’écrire et d’écrire encore, faisant passer, au fil des lettres, le fiancé parti pour un véritable héros ?

Cela pourrait continuer longtemps encore, lorsque l’impensable se produit : le prétendu héros des batailles napoléoniennes est de retour ! Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il ne ressemble guère au portrait qu’a imaginé Elisabeth en rédigeant de fausses lettres ! C’est alors que le film prend une dimension nouvelle, les mensonges d’Elisabeth engendrant l’imposture de Neuville. Car, pour ce dernier, le choix est vite fait : la famille d’Elisabeth et de Pauline ne demande qu’à croire à son héroïsme, tandis qu’ailleurs il n’a d’autre statut que celui d’un vagabond dérobant du poisson cru à l’étal des marchands pour le dévorer à pleines dents ! Mieux vaut, évidemment, parader et faire le bravache chez ceux qui ne demandent qu’à croire au récit de ses invraisemblables exploits. Sous les yeux effarés d’Elisabeth (elle seule sachant la vérité), de Neuville s’en donne à cœur joie, entraînant l’histoire dans des scènes de fanfaronnade et de marivaudage aux dialogues ciselés comme il le faut.

Le film est si bien écrit, dirigé et joué qu’on se régale d’un bout à l’autre. Nul besoin de souligner les qualités de jeu de Jean Dujardin et Mélanie Laurent. Mais on remarquera aussi l’excellente prestation de Noémie Merlant qui, de film en film, s’affirme comme une actrice très talentueuse et très complète, capable de se distinguer dans le drame (par exemple dans « Le Ciel attendra » de Marie-Castille Mention-Schaar en 2016) comme dans la comédie.

Note:  8,5/10

Luc Schweitzer, ss.cc.