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ARYTHMIE

Un film de Boris Khlebnikov.

 

Comme dans « My Lady », le film de Richard Eyre qui vient de sortir sur les écrans, il est question, au cours de ce film-ci, d’une personne malade ayant besoin d’une transfusion sanguine alors qu’elle fait partie des Témoins de Jéhovah ! Sauf qu’ici il s’agit d’une femme âgée et que c’est sa fille qui émet de sérieuses protestations. Et puis il ne s’agit, dans « Arythmie », que d’un épisode parmi bien d’autres : les cas difficiles, les décisions à prendre sans attendre, c’est le quotidien des personnages d’urgentistes d’une ville de Russie que met en scène Boris Khlebnikov avec un talent considérable.

La magistrate du film de Richard Eyre peut se permettre de suspendre une audience afin d’aller au chevet d’un malade et de se mettre à son écoute. Pour les urgentistes d’ « Arythmie », pas question de prendre le temps d’une pause : c’est, comme l’indique fort bien leur nom, dans l’urgence qu’il faut prendre les décisions, y compris quand se présentent de terribles dilemmes. Que faire quand on doit intervenir auprès d’une malade faisant une crise d’asthme aiguë alors que, dans le même temps, on reçoit un appel ordonnant de se rendre auprès d’un autre malade risquant de mourir ? Que faire quand on se trouve devant une fillette électrocutée qui ne peut être sauvée que si l’urgentiste fait une opération sur place, mais au risque d’une hémorragie qui pourrait être fatale ?

Tout cela, parmi bien d’autres interventions compliquées, les urgentistes ne demandent qu’à le gérer au mieux, mais il faut tenir compte aussi de l’administration des hôpitaux et d’une direction qui applique à la lettre des consignes qui se soucient davantage de la rentabilité que du bien-être des personnes. Oleg (Alexandre Yatsenko), comme tous ses collègues urgentistes, en est indigné. Ses décisions, il persiste à les prendre selon sa conscience et en fonction de ce qu’il considère bénéfique pour le rétablissement des malades et des accidentés, quitte à devoir supporter ensuite le mécontentement du directeur de l’hôpital.

Boris Khlebnikov dresse un portrait infiniment touchant de ce personnage, un personnage pétri d’humanité mais toujours vacillant, non seulement du fait de la dureté de son métier, mais aussi du fait de sa vie privée, de son histoire de couple avec Katia (Irina Gorbatcheva), une jeune femme qui exerce, elle aussi, le métier d’urgentiste. Que reste-t-il de leur vie commune ? Trouvent-ils encore le temps de se parler ? Au début du film, c’est par SMS que Katia annonce à Oleg qu’elle veut divorcer ! Pourtant, lorsque tous deux se retrouvent et essaient de se parler, on devine que leur histoire commune n’est pas nécessairement finie. Qui sait si, malgré les apparences, ils n’ont pas terriblement besoin l’un de l’autre ? Mais il faudrait peut-être qu’Oleg boive moins d’alcool et essaie de se mettre à l’écoute de Katia, plutôt que de faire le fanfaron au risque de provoquer sa colère…  Sinon, lui qui s’acharne à sauver les vies d’autrui pourrait perdre la sienne !

Malgré son titre, « Arythmie » est un film formidablement rythmé, doté d’une superbe mise en scène, et surtout c’est un film très émouvant qui, j’en fais le pari, ne laissera insensible aucun de ses spectateurs.

NOTE:  8,5/10

Luc Schweitzer, ss.cc.