aucun commentaire pour l'instant

ASPHALTE

un film de Samuel Benchetrit.

Ne nous fions pas aux apparences: derrière la loufoquerie et la nonchalance qui habillent ce film, derrière l’étrangeté de ce qu’on voit à l’écran, se devine aisément le regard tendre d’un réalisateur qui parvient sans peine à nous faire aimer chacun de ses personnages.

Tout ou presque se déroule dans un immeuble des plus délabrés où, d’emblée, il est question de remplacer un ascenseur toujours en panne. C’est là, dans ce lieu déshérité, que nous faisons connaissance avec les personnages: le réalisateur nous conte trois histoires d’hommes et de femmes esseulés qui, tous, trouvent une sorte de salut dans la rencontre de quelqu’un d’autre. Rencontres de gens seuls, d’êtres en mal de vivre pour qui germe enfin quelque chose qui ressemble à l’espoir et qui fait du bien à l’âme.

Un célibataire (Gustave Kervern) qui, au départ, a refusé de payer sa part pour l’achat d’un ascenseur qu’il ne prend jamais (il habite au 1er), mais qui se retrouve plus tard en fauteuil roulant, rencontre une infirmière de nuit (Valeria Bruni-Tedeschi) dont le mal-être l’émeut et auprès de qui il se fait passer pour un photographe.

Une actrice dépressive (Isabelle Huppert) qui échoue dans un appartement minable et se lie d’amitié avec son jeune voisin de palier (Jules Benchetrit) tout ébahi de se trouver en présence de quelqu’un de connu.

Et une dame d’origine kabyle (Tassadit Mandi) qui voit littéralement tomber du ciel un visiteur en la personne d’un astronaute américain (Michael Pitt) échoué là avec sa navette, et qui, entre deux visites à son fils emprisonné, se fait un plaisir de converser avec son hôte (malgré la barrière de la langue) et de lui faire goûter son couscous.

Pour chacun et chacune, même si la vie garde un goût amer, quelque chose change. La rencontre de l’autre brise enfin le terrible isolement et laisse place à de la solidarité, voire à de l’amour. C’est ce que le réalisateur fait apparaître au fil des trois histoires. Peu importe qu’elles soient invraisemblables, elles n’en sont pas moins extrêmement touchantes. C’est même par une sorte de miracle de l’amour que se trouveront réunis (malgré de gros obstacles) les personnages du célibataire et de l’infirmière de nuit lors d’une des scènes finales du film. Un « miracle » qui n’est pas sans rappeler la sublime et ultime scène d’un chef d’oeuvre du cinéma muet (« Lucky Star » de Frank Borzage – 1929). Samuel Benchetrit est certes loin d’avoir le génie de ce dernier, mais son film est tout de même éminemment sympathique et très recommandable.

NOTE:  7,5/10

Luc Schweitzer, sscc.