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BORN TO BE BLUE

un film de Robert Budreau.

N’étant pas un grand amateur de jazz, je connaissais certes le nom du trompettiste Chet Baker mais rien de plus. Ce film, qui évite les écueils du biopic pour ne relater que quelques mois de la vie du musicien, me le fait découvrir dans toute sa fragilité. L’homme que l’on voit à l’écran (formidablement interprété par Ethan Hawke) ne ressemble à rien de plus qu’à une épave. Un musicien de génie a descendu les marches de l’enfer, il s’est détruit à force de drogues et, en particulier, d’héroïne, il vient de sortir de prison et se fait tabasser et fracasser la mâchoire par les hommes de main de son dealer.

Or ce qui intéresse le réalisateur Robert Budreau, c’est de montrer la tentative de salut, de rédemption, de résurrection pourrait-on dire, de cet homme. C’est un mort qui essaie de revenir à la vie. Ou plutôt c’est un mort à qui une main secourable est tendue, une main qui s’ingénie à le sortir de la mort pour le ramener à la vie.

Tombé au fond du gouffre, tout le monde l’a abandonné à son sort sauf une personne : Jane (Carmen Ejogo), une actrice qui, par amour pour lui, se dévoue sans compter pour le soigner et le sauver. Le ramener à la vie, lui qui est méprisé par tous, y compris par son père pour qui il n’est qu’un homme qui a sali son nom.

Le film, réalisé avec grand talent, faisant alterner des séquences en couleurs et d’autres en noir et blanc, nous touche, nous bouleverse en entretenant une sorte de suspens : l’amour de Jane peut-il sauver Chet Baker ? Et ce dernier, malgré sa mâchoire brisée, peut-il à nouveau renouer avec l’excellence de son talent de trompettiste ? L’indulgence n’est pas de mise dans le milieu artistique.

Une autre question se pose aussi, lancinante, dérangeante : le génie du musicien ne repose-t-il pas sur l’usage de la drogue ? Autrement dit, sevré d’héroïne, Chet Baker a-t-il encore la capacité d’être un grand musicien ?

Le réalisateur, bien sûr, se garde de donner des réponses toutes faites à ces questions. Elles restent présentes, tout comme continue de nous toucher au plus profond du cœur la beauté de l’amour de Jane pour cet homme brisé. 

NOTE:  8/10

Luc Schweitzer, sscc.