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CALAMITY, UNE ENFANCE DE MARTHA JANE CANNARY

Un film de Rémi Chayé.

 

Quand on pense « western », les personnages qui viennent à l’esprit sont presque exclusivement du genre masculin. Les grandes figures mythiques de l’ouest américain se déclinent selon des caractéristiques résolument viriles. Il est pourtant une exception bien connue, un nom, un surnom plutôt, gravé dans les mémoires, celui de Calamity Jane. Au cours de l’histoire du cinéma, quelques films, pas très nombreux, ont contribué à forger cette légende, en particulier La Fille des Prairies (1949) de George Sherman. Il est à noter également que, parmi la surabondance des westerns des années 50, quelques-uns, parmi les plus remarquables d’entre eux, n’ont pas hésité à prendre des libertés avec les conventions concernant les rôles féminins : c’est le cas de Convoi de Femmes (1951) de William A. Wellman ou encore de La dernière Caravane (1956) de Delmer Daves.

Rémi Chayé et ses scénaristes ont eu, eux, l’excellente idée de se réapproprier le personnage de Calamity Jane, mais, plutôt que narrer les aventures de la femme adulte, en en imaginant l’enfance. Et puisqu’on ne sait sans doute pas grand-chose de cette période de sa vie mouvementée, ils ont eu tout loisir de l’inventer, de la créer de manière astucieuse. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils ont accompli ce projet à merveille.

Nous voilà donc emporté jusque sur les plaines de l’Ouest américain à la fin du XIXème siècle, tandis qu’un convoi de chariots y chemine. Cette scène et ce décor, si familiers à tous ceux qui apprécient les westerns, apparaissent d’emblée, du fait de la magie des dessins et des couleurs, comme réinventés, tout comme si c’était un peintre qui se les était appropriés. Dans ce convoi, l’on distingue particulièrement les hommes qui, ne serait-ce qu’à cause de leurs vêtements, font manifestement partie d’une communauté religieuse à tendance puritaine. Une des carrioles, cependant, transporte une famille, la famille Cannary, qui n’appartient pas à ce groupe mais a préféré se joindre à lui pour disposer d’un surcroit de sureté : à son bord se trouvent un père et ses enfants, parmi lesquels une gamine du nom de Martha Jane, gamine qui, aussitôt, se caractérise par son intrépidité. Ses singularités, d’ailleurs, elle ne demande qu’à les affirmer de plus en plus, quitte à jouer les casse-cous, voire à se bagarrer.

Les circonstances ne tardent pas à lui donner l’occasion de malmener tous les clichés qui s’attachent aux filles. Pour la soumission à toutes les conventions de son époque, il ne faut pas compter sur Martha Jane. Chacune des péripéties qui surviennent au cours du périple est une nouvelle étape, pour elle, sur la voie de l’affirmation de soi. Pas question de rentrer dans le rang, la gamine ose tout : conduire le chariot, elle en est capable, tout comme d’apprendre à se servir d’un lasso, tout comme de partir à l’aventure pour poursuivre un supposé voleur, ou encore de se retrouver à devoir travailler avec des chercheurs d’or et même à se faufiler dans un boyau de mine. Avant cela, elle prend soin de revêtir un pantalon, comme les hommes, et même de se couper les cheveux quand cela lui apparaît nécessaire, au point que certains la confondent avec un garçon. Il va sans dire que toutes ces transformations ne sont pas du goût des colons puritains en route vers l’Oregon. Martha Jane, elle, n’en a cure et, quand on l’affuble du surnom de Calamity, cela ne la gêne pas davantage. Son surnom, elle l’assume crânement, tout comme elle assume ses changements d’apparence et de manières.

Les scénaristes du film, on l’a compris, ont fait de la toute jeune Calamity Jane une féministe avant l’heure, une gamine qui s’éveille à la liberté en se moquant des convenances, et, ma foi, on ne demande qu’à adhérer à ce propos. D’autant plus que la réalisation du film est éblouissante de bout en bout. Du point de vue de l’animation, toutes les scènes, y compris les nombreuses scènes d’action, sont parfaitement maîtrisées. Quant aux couleurs, je le réaffirme, elles magnifient l’ouest américain comme si elles naissaient sous le pinceau d’un peintre : plaines, forêts, montagnes, ciels, tout chatoie de mille nuances qui émerveillent les regards. C’est de toute beauté.

8,5/10

 

Luc Schweitzer, ss.cc.

 

http://https://www.youtube.com/watch?v=5wu5fr8jRag