un film de Philippe Lioret.
Etre informé au même moment de l’identité de son père et de son décès, c’est ce qui arrive à Mathieu (Pierre Deladonchamps), un jeune cadre français à qui l’on annonce par téléphone que son père, dont il ignorait tout, est québecois et qu’il vient de périr accidentellement dans un lac. Pour Mathieu, pas d’hésitation, il lui faut se rendre sur place, d’autant plus que le défunt lui a légué un colis. Arrivé à Montréal, il est accueilli par Pierre (Gabriel Arcand) qui se présente comme un médecin ami de son père. Le premier contact, néanmoins, n’a rien de très chaleureux. Pierre recommande surtout à Mathieu de ne rien révéler de son identité ni à la veuve ni aux deux enfants de cette dernière (qui seraient donc ses demi-frères).
Etonné, Mathieu n’en fait pas moins la connaissance de ceux-ci, ainsi que de l’épouse de Pierre et de leur fille, tout en se faisant passer pour un ami français de passage au Canada. Petit à petit, insensiblement, les relations entre toutes ces personnes évoluent. Tandis qu’il participe à la vaine recherche du corps du noyé dans le lac, Mathieu découvre que ses supposés demi-frères révèlent pour l’un un tempérament de buveur irascible et pour l’autre, derrière des apparences vertueuses, un caractère guidé par des considérations bassement matérielles. La question de l’héritage entraîne leur querelle.
En fait, grâce à des petits signes, grâce à des paroles et à des gestes, entre autres à cause de l’héritage qui lui a été transmis (qui n’est rien de moins qu’un tableau de grand prix), Mathieu devine que tout n’a pas été dit, loin de là. Il faut du temps et de la confiance pour que la vérité affleure derrière les faux-semblants.
Tout l’art de Philippe Lioret, c’est de nous faire avancer, nous les spectateurs, vers la vérité au même rythme que les personnages. Nous n’avons rien de plus que Mathieu, juste un visage qui inspire la confiance, un regard pur, une perception du cœur, pour percevoir ce que dissimulent les non-dits. Il faut se contenter des seuls signes que sème chichement Pierre (admirablement joué par Gabriel Arcand) pour deviner ce que cachent ses apparences de bourru. Ce film, c’est peut-être par excellence le film qui invite à ne pas se fier à ses premières impressions, à ne pas se contenter de ce que l’autre veut montrer de lui-même. Avec le temps se révèlent d’autres aspects des personnes que ceux qu’on croyaient déjà connaître et les secrets enfouis se devinent.
Pour réussir un film de cette sorte, il convient de faire preuve de beaucoup de subtilité et de faire appel à des acteurs capables de transmettre des émotions sans les exagérer mais en les faisant cependant percevoir. Philippe Lioret, dont la filmographie, bien qu’inégale, comptait déjà deux très bons films (« Je vais bien, ne t’en fais pas » et « Welcome »), réussit ici parfaitement cette performance. Et il est servi par des acteurs d’excellence. Le seul visage de Pierre Deladonchamps dans le rôle de Mathieu en dit plus que tous les discours. Avec de tels acteurs (et actrices, ne les oublions pas), nul besoin de surligner, un simple regard ou un simple geste suffisent pour transmettre les émotions. Et dans « Le Fils de Jean », de ce point de vue, tout est parfait.
NOTE: 8/10
Luc Schweitzer, sscc.