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MAMAN A TORT

un film de Marc Fitoussi.

« Bienvenue dans le monde du travail ! ». Ce sont les mots que prononce Cyrielle (Emilie Dequenne) au moment où elle introduit sa fille Anouk (Jeanne Jestin, épatante), une adolescente de 14 ans, dans l’entreprise dont elle est une salariée. C’est dans l’urgence qu’il a fallu trouver pour la collégienne, scolarisée en classe de 3ème, un lieu où faire un stage d’une semaine en entreprise. Le père ayant failli à cette tâche, la mère s’est résolue à proposer son propre lieu de travail, une agence d’assurances.

C’est une riche idée que d’avoir imaginé un scénario se déroulant dans le monde de l’entreprise en y faisant s’y confronter le regard neuf, presque innocent, d’une adolescente à peine sortie de l’enfance et les regards aguerris, voire blasés, des adultes qui y exercent leur emploi. Anouk découvre un monde dont elle ignore à peu près tout mais, comme elle est de nature curieuse, voire fureteuse, elle ne tarde guère à en sonder les arcanes et à s’étonner de ce qu’elle découvre. Les surprises sont d’autant plus grandes qu’il s’agit, entre autres, de sa propre mère. Comment admettre que cette dernière soit vertement remise en place par un collègue ? Pire encore : comment comprendre que sa mère soit impliquée dans de louches combines visant à enrichir l’entreprise au détriment de ceux qui devraient en être les bénéficiaires ?

Pas question pour Anouk de se contenter de ranger un cagibi comme on lui a ordonné de le faire (sans d’ailleurs lui donner davantage de précisions, car manifestement on ne sait que faire d’une jeune stagiaire). L’adolescente cherche, fouine, interroge, pour le compte d’une femme qu’elle estime être l’une des victimes des agissements de l’entreprise. Emue, bouleversée, ne laissant parler que son cœur, elle n’a de cesse de démêler les suspectes intrigues qu’elle perçoit ou devine.

Ce film de Marc Fitoussi n’a rien d’une comédie, contrairement à ce que pourrait laisser présager son titre. Ou alors c’est une comédie très âpre et très grinçante. Même si l’on y trouve quelques personnages hauts en couleurs, le monde de l’entreprise, tel qu’il est montré ici, se révèle surtout rude, mesquin et dénué de toute compassion. Sur un mode certes plus léger que « Moi, Daniel Blake » de Ken Loach, c’est aussi, d’une certaine façon, un film de combat que « Maman a tort », puisqu’il dénonce sans ambiguïté les magouilles dont se rendent coupables des dirigeants d’entreprises allant jusqu’à faire pression sur les salariés pour en faire les complices de leurs malversations. Mais ce qui donne à ce film un ton et un charme particuliers, c’est la mise en scène des rapports mère-fille. Voir sa mère sur son lieu de travail, c’est, forcément, en découvrir un visage nouveau, surprenant, inattendu… Heureusement Anouk est une adolescente généreuse et sensible. Et l’on se dit à la fin du film : « Pourvu qu’elle garde son grand cœur, même quand elle aura grandi, même quand elle sera, à son tour, une adulte exerçant un travail ! ».

NOTE:  7,5/10

Luc Schweitzer, sscc.