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MICHEL-ANGE

Un film de Andreï Konchalovsky.

 

S’il est un homme que Michel-Ange (1475-1564) révère et admire, c’est Dante Alighieri (1265-1321), le génial auteur de la Divine Comédie. Il l’estime tellement qu’il se sent très inférieur à lui (alors qu’il n’hésite pas, par ailleurs, à déprécier les œuvres de ses contemporains). Ses réalisations à lui, Michel-Ange, ont beau être monumentales et prodigieuses, il n’a été capable, prétend-t-il, que d’ouvrir un chemin vers l’homme, et non vers Dieu comme il l’aurait souhaité. Cette auto-analyse, indique aussitôt le cinéaste au moyen de gros plans sur quelques-unes des sculptures dont Michel-Ange est l’auteur, est contredite par l’œuvre elle-même. En vérité, ouvrir un chemin vers l’homme équivaut à ouvrir un chemin vers Dieu : les deux ne sont pas dissociables.

Michel-Ange, tel qu’il apparaît dans ce film, admirablement incarné par Alberto Testone, est un homme de combat. Tout ou presque n’est qu’embarras et hostilité autour de lui. À Florence, il lui faut se méfier des membres de sa propre famille qui n’ont pas le moindre scrupule à vivre à ses dépens, tout comme il lui faut prendre garde aux nombreux zélateurs et fanatiques qui, dans cette ville, se réclament de leur furieux prophète, Jérôme Savonarole (1452-1498). À cette époque, l’Eglise se distingue volontiers en prêchant l’Evangile de la peur plutôt que celui de Jésus-Christ. « Vous brûlerez en enfer » ! La menace est assenée comme un leitmotiv. À Rome et au Vatican, ce n’est pas mieux puisqu’il faut y composer avec l’Inquisition (dont les membres s’affolent, entre autres, en voyant les nudités déjà peintes dans la Chapelle Sixtine). D’autres combats, purement politiques ceux-là, compliquent la vie du sculpteur : après Jules II, pape issu de la famille della Rovere, c’est Léon X qui monte sur le trône de saint Pierre, un pape issu de la famille Medicis. Les deux familles se haïssent, ce qui met en difficulté Michel-Ange, contraint de réaliser une commande provenant de Jules II mais qu’il n’a pas pu terminer à temps, alors que le nouveau pape s’y oppose formellement.

À tout cela s’ajoutent les incommodités du temps, la laideur et la crasse omniprésentes, les problèmes de transport de matériaux, sans compter les ambitions démesurées de l’artiste. À Carrare, où il se rend régulièrement pour y choisir lui-même ses blocs de marbre, il en désigne un qui est si gros que les ouvriers le surnomment « le monstre ». Michel-Ange aussitôt le veut pour lui, il en paiera le prix (malgré la récurrence de ses soucis financiers), et parvient à convaincre les ouvriers d’en organiser l’acheminement. Il est fou, oui, et se targue de l’être (mais n’est-ce pas un point commun à tous les grands artistes ?). Dans son époque tourmentée et folle, où l’on voit du péché partout (Il peccato, précise le sous-titre du film), mais où, néanmoins, la corruption et la décadence se pavanent (entre un éléphant ramené des Indes au Vatican, un pape gras comme un cochon et des ouvriers qui fabriquent des crochets au rabais), et où la saleté surabonde, surgissent pourtant des élans de beauté. Michel-Ange tombe en arrêt en apercevant le gracieux visage d’une jeune femme, qu’il désire aussitôt en tant que modèle. Ainsi, c’est en glorifiant les corps qu’il ouvre un chemin vers Dieu, sans le savoir. On peut certes reprocher au film de Konchalovsky d’être trop léché et d’être trop lourdaud du point de vue de la symbolique, mais on ne peut rien lui reprocher du point de vue de sa puissance évocatrice.   8/10

 

http://https://www.youtube.com/watch?v=12TUIRTytaI

 

Luc Schweitzer, ss.cc.