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NO LAND’S SONG

un film de Ayat Najafi.

Dans le passionnant « À peine j’ouvre les yeux », film de Leyla Bouzid sorti sur les écrans il y a quelques mois, nous découvrions à quel point il était risqué pour la jeune Farah d’oser chanter dans la Tunisie de Ben Ali. Aujourd’hui, c’est un documentaire venu d’Iran qui retrace les combats menés par des chanteuses de ce pays désireuses de se produire en public. Or en Iran, depuis la révolution de 1979 et les diktats de l’Imam Khomeyni contre la musique, il est interdit aux femmes de chanter en solo pour un public mixte (composé d’auditeurs des deux sexes). La jeune compositrice Sara Najafi (sœur du réalisateur) entreprend donc une véritable lutte afin de faire entendre la voix des femmes en Iran. Avec des chanteuses et des musiciens, elle ose s’engager dans de laborieux pourparlers afin d’obtenir l’autorisation d’organiser un concert à Téhéran. Pour ce faire, il faut multiplier les rendez-vous au ministère de la culture iranien et supporter les refus sans baisser les bras. Il peut même être utile de rencontrer un mollah afin de lui demander des explications, ce qui donne lieu à des scènes à la fois consternantes et savoureuses tant le supposé théologien s’empêtre dans ses raisonnements confinant à l’absurde.

Heureusement, pour mener à bien son combat, Sara Najafi peut non seulement compter sur le soutien de chanteuses et musiciens de son pays, mais aussi de France et de Tunisie. C’est un véritable partenariat qu’on voit se mettre en place au fil de ce documentaire en même temps que se noue un dialogue interculturel des plus intéressants. En France, ce sont les chanteuses Jeanne Cherhal et Elise Caron accompagnées de leurs musiciens qui s’engagent aux côtés des Iraniennes. De Tunisie vient aussi s’adjoindre au groupe Emel Mathlouthi, une chanteuse à la voix d’or. Tout ce monde se rencontre, discute, débat, chante et espère se produire un jour sur une scène de Téhéran.

On imagine la joie et l’émotion qui étreignent le cœur de ces femmes quand enfin, après avoir surmonté tous les obstacles et les tentations de désespoir, un concert a lieu, le 19 septembre 2013, à l’Opéra de Téhéran. Toutes sont présentes, les Iraniennes, les Françaises et la Tunisienne. Et les voix féminines tant honnies par les censeurs obscurantistes s’élèvent enfin. Quand la tunisienne Emel Mathlouthi fait entendre son chant, lorsque s’impose sa voix si belle, c’est à la manière d’un hymne à la liberté. Liberté conquise le temps d’un concert, mais liberté encore à gagner pour les femmes d’Iran et de tant d’autres pays ! Ce qui est sûr, en tout cas, c’est que ce superbe documentaire (chaleureusement applaudi par les spectateurs de la séance à laquelle j’ai assisté) insuffle de l’espoir. 

NOTE:  8/10

Luc Schweitzer, sscc.