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SING STREET

un film de John Carney

Il m’arrive, de temps à autre, comme à tout cinéphile, d’être déçu par un film que pourtant j’avais attendu avec délectation (à cause d’une critique alléchante ou d’un sujet suscitant mon intérêt). A contrario, fort heureusement, il m’arrive aussi, comme à tout cinéphile également, d’être enchanté par un film dont je n’espérais pas grand chose. Ce fut le cas à propos de « Sing Street » : le sujet (une bande d’adolescents irlandais du milieu des années 80 se défoulant en faisant de la musique) ne m’attirait guère. Mais, le film bénéficiant de critiques élogieuses, je me suis résolu à aller le voir et je n’ai eu qu’à m’en féliciter. Tout m’a séduit, tout m’a non seulement convaincu mais enthousiasmé.

Ce film plein d’énergie enchante littéralement mais également passionne parce qu’on devine que le réalisateur y a mis beaucoup de lui-même, beaucoup de sa propre histoire. Même dans ses quelques excès, il garde un ton de vérité, une approche qui semble marquée du sceau du vécu. Le personnage principal du film se prénomme Conor et c’est un lycéen de 15 ans que ses parents, à cause de difficultés financières, retirent d’un établissement privé pour l’inscrire à l’école publique. Le choc est rude. A la fois du fait des autres élèves pour le moins turbulents et du fait du directeur, un prêtre aux méthodes rigides, voire brutales (n’oublions pas que nous sommes à Dublin dans les années 80, c’est-à-dire à mille lieues de la laïcité à la française!).

Le malheureux Conor semble voué aux pires épreuves, d’autant plus que, chez lui, ça ne va pas fort : ses parents ne cessent de se quereller sans cependant pouvoir divorcer (le divorce étant interdit en Irlande à cette époque-là!). Mais l’adolescent n’est pas du genre à baisser les bras : il parvient à se lier à quelques élèves de sa nouvelle école et, surtout, il aperçoit, non loin de l’établissement, une jeune fille un peu plus âgée que lui et d’une ravissante beauté. Elle se prénomme Raphina. Le garçon l’aborde aussitôt et cherche à l’impressionner en lui disant qu’il fait partie d’un groupe de musique et qu’il est en quête d’une partenaire féminine pour un clip vidéo qu’il veut tourner. Rien de tout cela n’est vrai, mais Raphina le prend au mot et Conor, s’il veut ne pas perdre la face, se trouve obligé de rendre effectif ce qui n’était que vantardise.

Qu’à cela ne tienne ! Conor se met aussitôt à la recherche de musiciens en herbe et ne tarde pas à composer ses premières chansons. Avec ses copains, avec Raphina qui entre dans le jeu, le film se pare d’un ton festif tout en préservant quelque chose de mélancolique. Quand on lui demande quel genre de musique il veut faire, Conor répond en affirmant qu’il est futuriste. Mais la vérité, c’est que toutes ses chansons (ou presque) sont écrites pour Raphina. La jeune fille n’est pas dupe, bien sûr, et demande à Conor de lui composer quelque chose de plus joyeux que ce qu’il a fait jusque là. C’est alors que Conor imagine un style qu’il définit par deux termes antinomiques : gai-triste. La musique est joyeuse, dynamique, mais les paroles restent mélancoliques. D’autant plus que Conor croit aimer Raphina sans espoir de retour : elle a déjà un petit ami, plus âgé qu’elle, et qui lui a promis de l’emmener à Londres…

Cette antinomie (gai-triste) n’imprègne pas seulement les chansons que compose Conor mais le film tout entier. D’un côté, il déborde d’énergie et de vitalité, de l’autre, il entrouvre des fenêtres sur de dures réalités sociales (tous les personnages vivent dans la précarité) et sur des êtres en situation d’échec. L’un des personnages les plus touchants du film est le frère aîné de Conor : il lui sert, en quelque sorte de mentor, voyant son cadet réussir là où lui-même pense avoir échoué. Il ne semble pourtant pas y avoir d’amertume ni d’envie chez ce frère aîné, mais juste la joie d’aider Conor à trouver une issue pour échapper à la fatalité de la médiocrité.

Ce personnage du frère aîné ainsi que quelques autres (tous admirablement interprétés) rendent ce film réellement passionnant et émouvant. Et, bien sûr, il faut compter avec la qualité de la bande son : impossible de ne pas se trémousser sur son siège quand Conor et ses musiciens y vont de leurs chansons !

NOTE:  8/10