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THE DIG

Un film de Simon Stone.

Les apparences sont trompeuses, une fois de plus. Voilà que Netflix programme un film qui semble n’être qu’un mélodrame banal et ultra classique, alors qu’on a affaire, en vérité, à une œuvre fascinante à tous points de vue, autant par l’intelligence du propos que par la beauté de la photographie. On regrette d’autant plus de ne pas pouvoir admirer un tel film dans une salle sur grand écran.

Cela étant, même sur un petit écran, cette réalisation parvient sans peine à séduire tant le regard que l’intelligence. Adaptée d’un livre (malheureusement non traduit en français), tirée d’une histoire vraie, elle porte bien son titre : The Dig, ce qui veut dire La Fouille. Nous voici donc transportés dans le Suffolk anglais, en 1939, juste avant le commencement de la Seconde Guerre mondiale. Edith Pretty (très finement jouée par Carey Mulligan), une veuve mère d’un petit garçon prénommé Robert et dont on apprend, au cours du film, qu’elle est gravement malade, intriguée par d’étranges tumulus se trouvant sur une partie de sa propriété, près d’un cours d’eau, souhaite faire entreprendre des fouilles. Pour ce faire, elle engage Basil Brown (Ralph Fiennes), un fouilleur plus qu’un archéologue, mais néanmoins muni de connaissances qu’il a acquises en autodidacte.

C’est le regard avisé de cet homme qui oriente le début des fouilles. À partir de ce moment, de nombreuses séquences du film mettent en scène ce travail patient, acharné et minutieux à la fois, où il s’agit de creuser la terre de diverses manières, de plus en plus délicatement, au fur et à mesure des découvertes. Car, en effet, le flair de Basil Brown ne lui a pas fait défaut, le tertre qu’il a désigné dissimulait un trésor inestimable. Alors qu’au départ, on imaginait y trouver des objets provenant des incursions vikings, ce sont, en fait, les vestiges d’un bateau anglo-saxon du VIème siècle que l’on met à jour. Un tel trésor ne pouvant passer inaperçu, ce sont les « spécialistes », archéologues reconnus, authentifiés, qui interviennent bientôt, tout étonnés de la mise à jour des restes d’une civilisation que l’on imaginait, jusqu’à présent, barbare et inculte, et qui se révèle, au contraire, sophistiquée.

L’arrivée de toute une équipe sur le lieu de la fouille provoque, bien évidemment, quelques tensions, les « spécialistes » ne voyant pas d’un bon œil un « fouilleur » autodidacte comme Basil Brown poursuivre ses investigations. Mais le film s’attache à montrer, précisément, que ni la valeur ni la compétence ne se mesurent uniquement à coups d’académisme et de diplômes. Les intuitions et les connaissances de Basil Brown valent bien celles des experts du British Museum.

D’autre part, ne l’oublions pas, cette histoire de fouille archéologique se déroule à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Des avions à l’exercice survolent régulièrement le terrain de fouille, Edith Pretty, en voiture, croise des soldats et, lorsqu’elle va à Londres pour y consulter un médecin, l’on voit comment la ville se prépare à devoir subir d’éventuels bombardements. Robert lui-même, le fils d’Edith, revient un jour portant sur sa figure un masque à gaz. Basil Brown aborde le sujet de la guerre avec sa femme venue lui rendre visite : « Pourquoi fouiller la terre alors que la guerre menace ? » – « Ce que tu fais, répond Mme Brown, c’est quelque chose qui perdurera au-delà de toutes les guerres. »

Sans être jamais sentencieux, le film traite de sujets aussi grands que le monde : le passé, le présent, le futur ; et aussi, la vie et la mort. Si la grandiloquence n’est jamais de mise, alors que l’on aborde de tels sujets, c’est tout simplement parce que leur abord se réalise, souvent, par le truchement du petit Robert, le fils d’Edith Pretty, passionné par tous les événements qui se déroulent autour de lui tout en restant un enfant rêveur fasciné par les aventures spatio-temporelles de Buck Rogers (héros de science-fiction) mais aussi meurtri et inquiet parce qu’il sait que sa mère est gravement malade (« je sais que ma mère est malade, dit-il à Mme Brown, et je ne peux rien faire »).  Alors que la guerre n’a pas encore commencé, la mort frappe déjà, par exemple lorsque se crashe un avion à l’exercice. C’est lui, le petit garçon, Robert, qui invite alors à une méditation sur la mort et le sens de la vie, c’est par ses yeux, également, que l’on admire les trésors découverts à l’intérieur du bateau anglo-saxon, c’est lui aussi qui part à la recherche de Basil Brown lorsque celui-ci est tenté de jeter l’éponge. Entre eux, entre le « fouilleur » et le petit garçon, se déploie une profonde complicité.

Il faudrait aussi saluer les performances de tous les autres personnages, de toutes les actrices et de tous les acteurs. Même l’inévitable histoire sentimentale qui intervient entre deux personnages secondaires, Rory (Johnny Flynn) et Peggy (Lily James) à la fin du film, échappe à la mièvrerie ou à la guimauve. C’est en regardant des photographies prises par Rory que Peggy se rend compte que celui-ci en pince pour elle : en effet, sur les photos, on ne voit qu’elle ! Tout est somptueux, précisément, dans ce film : la photographie, la lumière, les cadrages, les mouvements de caméra, les décors… Encore une fois, quel dommage qu’un film aussi splendide ne soit pas projeté sur grand écran !

9/10

Luc Schweitzer, ss.cc.